Fonction publique • Conseil d’État

Allocation temporaire d'invalidité (ATI) et maladie professionnelle « hors tableau » : l'agent doit justifier d'un taux d'IPP d'au moins 10% (Conseil d’État, 17 juillet 2025, n° 495253):

Maître Baptiste Renoult, avocat en droit de la fonction publique, analyse l’arrêt du Conseil d’État du 17 juillet 2025 (n° 495253) qui clarifie les conditions d'attribution d'une allocation temporaire d’invalidité (ATI) en cas de maladie professionnelle hors tableau en précisant que l'agent peut en bénéficier dés lors que celui-ci justifie d'un taux d'IPP d'au moins 10% sur la base du barème des pensions civiles et militaires.

1) L’essentiel à retenir

  • Apport n°1; Date d’appréciation du critère de gravité de la pathologie : Pour une maladie professionnelle hors tableau, le fait de savoir si la pathologie est susceptible d'entraîner un taux d'IPP supérieur à 25% s'apprécie à la date de la première constatation médicale de la pathologie et non à la date de consolidation.
  • Apport n°2; Taux d'IPP minimum à la date de consolidation : Cet arrêt opére un revirement de jurisprudence par rapport à l'arrêt du 12 juin 2024 (CE, 12 juin 2024, n°475044) qui précisait que le bénéfice de l'allocation temporaire d’invalidité (ATI) n'était pas subordonné à un taux minimum d'incapacité.

    Désormais, le Conseil d'Etat considère que pour pouvoir bénéficier d'une allocation temporaire d'invalidité, l'agent titulaire de la fonction publique doit justifier d'un taux d'IPP supérieur à 10% à la date de consolidation de son état de santé, que la maladie soit prévue par les tableaux de la sécurité sociale ou non et à l'instar de l'accident de service .
  • Conséquence pour la maladie professionnelle hors-tableau : Si la maladie professionnelle a été reconnue imputable au service parce que la pathologie était susceptible d'entrainer un taux d'IPP supérieur à 25% à la date de première constatation médicale, il n'est pas nécessaire que ce taux définitif soit supérieur à 25% pour que l'agent puisse bénéficier de l'allocation temporaire d’invalidité (ATI). La pathologie doit seulement justifier d'un taux d'IPP supérieur à 10% à la date de consolidation.
  • Portée pratique : Sécurisation des droits ATI des agents dont l’état s’est amélioré entre la phase aiguë et la consolidation, et homogénéisation avec la logique du régime général.

2) La règle dégagée par le Conseil d’État

a) L'existence d'un taux d'IPP supérieur à 25% s'apprécie à la date de la demande de maladie professionnelle

Pour les maladies professionnelles hors tableau, la question de savoir si la pathologie est susceptible d'entrainer un taux d'IPP supérieur à 25% s'apprécie au stade de la reconnaissance de la maladie professionnelle. Cette appréciation n’a pas à être remise en cause au prisme d’un taux d’IPP plus faible au jour de la consolidation.

De nombreuses Administrations opérant une confusion sur la nature de ce seuil en considérant que la maladie professionnelle ne pouvait pas être reconnue imputable si celle-ci était consolidée avec un taux d'IPP inférieur à 25%, cette précision du Conseil d'Etat est la bienvenue.

b) L'agent bénéficie d'une allocation temporaire d'invalidité (ATI) uniquement si ton taux d'IPP est d'au moins 10% à la date de consolidation

Le Conseil d'Etat opère un revirement de jurisprudence important par rapport à sa décision du 12 juin 2024 (CE, 12 juin 2024, n°475044) qui précisait que le bénéfice de l'Allocation temporaire d'invalidité (ATI) n'était pas subordonné à un taux minimum d'incapacité pour les maladies professionnelles hors tableau.

Dans l'arrêt du 17 juillet 2025, le Conseil d'Etat reprend les termes de l'article 1er du décret du 6 octobre 1960 qui précise que les agents souffrant d'une maladie reconnue d'origine professionnelle en application du b) ou du c) du même article ne peuvent bénéficier de l'allocation temporaire d'invalidité que dans la mesure où l'affection contractée serait susceptible, s'ils relevaient du régime général de sécurité sociale, de leur ouvrir droit à une rente en application du livre IV du code de la sécurité sociale et de ses textes d'application.

En effet, le régime général prévoit le versement d'une rente d'invalidité uniquement dans l'hypothèse où le salarié justifie d'un taux d'IPP d'au moins 10% à la date de consolidation de son état de santé.

Cet arrêt permet donc de clarifier le régime d'attribution de l'Allocation temporaire d'invalidité mettant ainsi un terme aux nombreuses décisions refusant le bénéfice de l'ATI au motif que l'état de santé de l'agent était consolidé avec un taux d'IPP inférieur à 25%.

Désormais, le Conseil d'Etat considère que pour pouvoir bénéficier d'une allocation temporaire d'invalidité, l'agent titulaire de la fonction publique doit justifier d'un taux d'IPP d'au moins 10% à la date de consolidation de son état de santé que la maladie soit prévue par les tableaux de la sécurité sociale ou non et à l'instar de l'accident de service.

Ce raisonnement assure la cohérence avec le renvoi du décret de 1960 au livre IV du CSS : un agent atteint d’une maladie professionnelle (tableau ou hors tableau) ne peut bénéficier de l’ATI que si son taux d'IPP à la consolidation est d'au moins 10 %.

c) Conséquences pratiques

Une maladie professionnelle « hors tableau » reconnue imputable du fait d’un taux ≥ 25 % reste professionnelle, même si l’IPP descend ensuite sous 25 % à la consolidation. L’Administration doit alors examiner le droit à l’ATI à l’aune du seul seuil de 10 %.

Bon à savoir : La solution rejoint l’approche du régime général et évite de « déqualifier » une maladie simplement parce que l’état de santé s’est amélioré avec le temps. Cela renforce la prévisibilité pour les agents et la sécurité juridique des décisions.

3) L’affaire à l’origine de la décision

Une attachée principale avait développé en 2014 un syndrome d’épuisement professionnel reconnu comme maladie professionnelle hors tableau en 2015. Lors de l’instruction de sa demande d’ATI, l’Administration a révoqué la qualification au motif qu’à la consolidation (2016) l’IPP n’était plus que de 10 %. Le Tribunal Administratif a suivi cette lecture. Le Conseil d’État censure cette approche.

4) Incidences pour les agents titulaire de la fonction publique

  • Si votre maladie professionnelle "hors tableau" a été reconnue imputable sur la base d’un taux initial ≥ 25 %, l’Administration ne peut pas vous refuser le bénéfice de l’ATI au seul motif que votre taux d'IPP, à la date de consolidation, est inférieur à 25 % ; elle doit vérifier le seuil de 10 % à la consolidation.
  • Le montant de l’ATI est calculé sur le taux d’IPP à la consolidation et peut être révisé tous les 5 ans (renouvellement, viagérisation ou suppression selon l’évolution).

5) Démarches et stratégie

  1. Phase de reconnaissance (maladie hors tableau) : Constituer un dossier médical circonstancié démontrant le lien direct et essentiel avec le travail habituel et la gravité (taux ≥ 25 %).
  2. Après consolidation : Déposer la demande d’ATI dans l’année, en s’assurant que l’IPP est ≥ 10 % à la date de consolidation.
  3. Contentieux : En cas de décision de refus d'attribution d'une ATI fondée sur le fait que votre taux d'IPP à la date de consolidation est inférieur à 25%, il est nécessaire de saisir le Tribunal Administratif afin de faire valoir vos droits au travers d'un recours pour excès de pouvoir.

6) Textes & repères utiles

Allocation temporaire d'invalidité (ATI) : Article L.824-1 du Code général de la fonction publique ; Décret n° 60-1089 du 6/10/1960

Maladie professionnelle hors tableau : Article L.822-20 du Code général de la fonction publique ; Article L.461-1 du Code de la sécurité sociale (lien direct/essentiel avec le travail + Taux d'IPP prévisible supérieur à 25% à la date de première constatation médicale) ; Article R.461-8 du Code de la sécurité sociale (seuil 25 %).

Rente (seuil 10 %) : Article L.434-2 du Code de la sécurité sociale et Article R.434-1 du Code de la sécurité sociale.

7) Indemnisation complémentaire (en plus de l’ATI)

Indépendamment de l’ATI, qui est une prestation forfaitaire, un agent peut demander une indemnisation complémentaire pour obtenir la réparation intégrale de ses préjudices (souffrances, déficit fonctionnel, pertes de gains, incidence professionnelle, besoin d’assistance, etc.). Cette action, distincte de l’ATI, est fondée sur la responsabilité de l’Administration (sans faute ou pour faute) et peut être menée en parallèle.

8) FAQ – Questions fréquentes

Besoin d’un accompagnement ? Le cabinet Renoult vous assiste pour : reconnaissance « hors tableau », demande d’ATI, calcul/renouvellement, et contentieux (notamment en cas de refus fondé sur un « retour sous 25 % » à la consolidation). Contactez-nous.

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