ATI & maladie pro hors tableau après consolidation : analyse de l’arrêt CE 12 juin 2024, conditions, calcul, recours | Avocat fonction publique
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Allocation temporaire d’invalidité (ATI) et maladies professionnelles hors tableau : ce que change l’arrêt du Conseil d’État du 12 juin 2024

Décision majeure en droit de la fonction publique : le Conseil d’État (12 juin 2024, n° 475044) confirme que, pour une maladie professionnelle hors tableau, l’ATI n’est pas subordonnée à un taux d’IPP minimum à la date de consolidation. Le critère clé demeure la reconnaissance de l’imputabilité. Ce guide détaille les textes applicables, la solution du Conseil d’État, ses conséquences pratiques, la procédure et des modèles prêts à l’emploi.

I. Textes applicables

1) Article L.824‑1 CGFP : l’ATI est due au fonctionnaire atteint d’une invalidité résultant d’un accident de service (IPP ≥ 10 %) ou d’une maladie professionnelle, cumulable avec le traitement. Le montant correspond à une fraction du traitement minimal proportionnelle au taux d’IPP.

2) Article L.822‑20 CGFP (maladie hors tableau) : imputabilité si la pathologie est essentiellement et directement causée par l’exercice des fonctions et si elle était susceptible d’entraîner un IPP ≥ 25 % à la première constatation médicale.

3) Délais ATI : demande à présenter dans l’année suivant la reprise des fonctions après consolidation (déchéance au‑delà). Règles précisées par le décret du 2 mai 2005 et le décret du 6 octobre 1960.

II. L’arrêt du Conseil d’État du 12 juin 2024 (n° 475044)

1) Contexte et question de droit

En pratique, certaines administrations refusaient l’ATI en cas de maladie hors tableau lorsque le taux d’IPP à la consolidation était inférieur à 25 %, au motif qu’un « seuil » serait nécessaire pour ouvrir droit à l’ATI. La question posée au Conseil d’État était donc : l’ATI est‑elle subordonnée à un IPP minimum à la consolidation lorsque la maladie est hors tableau ?

2) Solution

Le Conseil d’État répond non. Il articule les dispositions relatives à l’ATI et celles relatives à l’imputabilité des maladies hors tableau : le bénéfice de l’ATI dépend de la reconnaissance de l’imputabilité au service ; il n’est pas subordonné à un taux d’IPP minimal à la date de consolidation.

3) Portée (motif de principe)

En pratique : dès lors que la maladie hors tableau a été déclarée imputable (car susceptible d’entraîner un IPP ≥ 25 % à la première constatation médicale, et lien essentiel et direct démontré), l’agent peut percevoir l’ATI même si l’IPP finalement retenu à la consolidation est inférieur à 25 %.

III. Conséquences concrètes pour les agents

  • Sortie de CITIS : à la consolidation, l’aptitude est appréciée. Si l’agent est apte (reprise ou reclassement), l’ATI s’applique ; si l’agent est inapte, c’est la RVI qui relève du régime approprié.
  • ATI : prestation forfaitaire fondée sur le taux d’IPP (barème pensions) sans exigence d’un seuil à la consolidation pour les hors tableau.
  • RVI : si inaptitude et mise à la retraite pour invalidité d’origine professionnelle (assise financière différente).
  • Action indemnitaire : cumul possible pour obtenir la réparation des préjudices personnels (souffrances, DFP/DFT, agrément, pertes de revenus, incidence pro, etc.).

IV. Méthode pour établir l’imputabilité d’une maladie hors tableau

1) Dossier factuel (lien essentiel et direct)

  • Chronologie précise des faits de service et de l’apparition des symptômes ;
  • Descriptions d’exposition : surcharge, contraintes organisationnelles, violences internes/externes, horaires, environnement ;
  • Pièces probantes : rapports, alertes SST, mails, attestations, décisions RH, etc.

2) Dossier médical (IPP prévisible ≥ 25 % à la première constatation)

  • Certificat médical initial (CMI) circonstancié ;
  • Comptes rendus spécialisés (psychiatrie/psychologie pour troubles psychiques, etc.) ;
  • Hospitalisations, arrêts, traitements, évaluations cliniques standardisées ;
  • Référence au barème indicatif des pensions pour motiver la prévisibilité d’un IPP ≥ 25 % à la première constatation.
Bon réflexe : préparer un mémo médico‑juridique (1 à 2 pages) remis à l’expert et au Conseil médical : faits, expositions, temporalité, et analyse barémée de la prévisibilité du taux.

V. Procédure pas à pas après consolidation (ATI)

  1. Décision d’imputabilité (déjà intervenue) : conservez l’intégralité du dossier (avis médicaux, rapport d’expertise, procès‑verbaux, etc.).
  2. Consolidation : avis du médecin agréé (date, séquelles, IPP, aptitude/reclassement).
  3. Reprise des fonctions (ou reclassement) : point de départ du délai d’un an pour déposer la demande d’ATI.
  4. Demande d’ATI : formulaire/demande écrite + pièces listées (voir ci‑dessous).
  5. Décision : contrôlez la motivation et le respect des textes.

Pièces à joindre (check‑list ATI)

  • Copie de la décision d’imputabilité de la maladie professionnelle hors tableau ;
  • Rapport d’expertise médicale (consolidation, séquelles, IPP) ;
  • Avis du Conseil médical ;
  • État des services / dernière situation indiciaire ;
  • RIB et coordonnées ;
  • Le cas échéant, mémoire explicatif sur les séquelles et leur impact fonctionnel.

VI. Calcul, durée, révision

  • Calcul : fraction du traitement minimal proportionnelle au taux d’IPP (référez‑vous aux tableaux officiels en vigueur).
  • Durée : 5 ans renouvelables ; l’ATI peut évoluer (révision du taux) et, selon les cas, devenir viagère.
  • Fiscalité : l’ATI est exonérée d’impôt sur le revenu.
  • Révision : en cas d’aggravation ou d’amélioration, une réévaluation du taux d’IPP peut être demandée.

Conseil pratique : si vous communiquez des montants, indiquez la date de mise à jour et citez la source officielle pour conserver la fraîcheur du contenu.

VII. Contentieux : stratégies et points d’attaque

  • Erreur de droit : refus fondé sur l’absence d’IPP ≥ 25 % à la consolidation (contradictoire avec la solution CE 12/06/2024).
  • Mauvaise articulation des textes : confusion entre seuil prévisible (L.822‑20) et IPP de consolidation.
  • Vices de procédure : absence ou irrégularité des avis (médecin agréé / Conseil médical), défaut de motivation.
  • Mésestimation des séquelles : solliciter une contre‑expertise ou une révision du taux.
Voies de recours : recours gracieux/hiérarchique sous 2 mois, puis recours pour excès de pouvoir devant le tribunal administratif (2 mois). Possibilité d’un référé‑mesures utiles (expertise) selon l’urgence et l’intérêt à agir.

VIII. Exemples pratiques (cas d’école)

Exemple 1 : trouble psychique (burn‑out) hors tableau

Imputabilité reconnue car exposition professionnelle objectivée et IPP prévisible ≥ 25 % au moment du CMI. À la consolidation, l’IPP est finalement fixé à 12 %. Conséquence : l’agent reprend (apte/reclassé) et ouvre droit à l’ATI, malgré un IPP < 25 % à la consolidation.

Exemple 2 : pathologie somatique hors tableau

Lien essentiel et direct démontré (exposition chimique), CMI étayé par avis spécialisés. Consolidation à 8 % d’IPP. ATI possible si l’agent est apte à la reprise ; RVI si inapte et retraite pour invalidité.

IX. FAQ – ATI & maladies professionnelles hors tableau

Besoin d’aide ? Le cabinet Renoult vous accompagne pour la stratégie (ATI vs RVI), la constitution du dossier, l’expertise, la demande et les recours.

Ressources utiles