La demande indemnitaire pour l'accident de service ou la maladie professionnelle
Les agents titulaires de la fonction publique bénéficient de la possibilité d’obtenir une indemnisation complémentaire de leur préjudice suite à la survenance d’un accident de service ou d’une maladie professionnelle.
Cette indemnisation vient en complément de la potentielle allocation temporaire d’invalidité (ATI) qui peut être versée au fonctionnaire victime d’accident de service ou d’une maladie professionnelle si les conditions sont réunies.
Pour obtenir cette indemnisation, il est tout d'abord nécessaire de former une demande indemnitaire préalable obligatoire devant l'Administration.
Le caractère obligatoire de la demande indemnitaire préalable
Le régime de la demande indemnitaire préalable s’est complexifié depuis l’adoption du décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016 dénommé couramment « Décret JADE ».
En effet, antérieurement à l’entrée en vigueur de ce décret, il était de jurisprudence que la demande indemnitaire préalable obligatoire pouvait être régularisée en cours d’instance.
Cela signifiait que si un agent avait formé un recours de plein contentieux devant le Tribunal Administratif, aux fins de solliciter une indemnisation, sans pour autant avoir formé de demande indemnitaire préalable obligatoire, celui-ci pouvait toujours régulariser la situation en transmettant cette demande en cours d’instance.
Le juge appréciait alors l’existence ou non d’une telle demande préalable au jour de l’audience. [CE, 11 avril 2008, n° 281374]
L’instauration de l’article R.421-1 du Code de justice Administrative par le décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016 est venue modifier cette règle.
Cet article prévoyait dorénavant que lorsque la demande de l’agent tend au paiement d’une somme d’argent, celui-ci doit préalablement former une demande indemnitaire préalable auprès de son Administration avant de pouvoir saisir le Tribunal Administratif.
Il n’était donc plus possible de régulariser la situation en cours d’instance
Dans un second temps, le Conseil d’État est venu tempérer ce principe.
Il est désormais admis que le Tribunal Administratif puisse être saisi d’une requête de plein contentieux et cela même en l’absence d’une décision rendue par l’Administration au jour de la saisine.
Le juge apprécie l’existence d’une décision implicite ou explicite de rejet au jour où il statue. [CE, 27 mars 2019, n°426472]
Ce principe a de nouveau récemment été affirmé :
« Lorsqu'un requérant a introduit devant le juge administratif un contentieux indemnitaire à une date où il n'avait présenté aucune demande en ce sens devant l'administration et qu'il forme, postérieurement à l'introduction de son recours juridictionnel, une demande auprès de l'administration sur laquelle le silence gardé par celle-ci fait naître une décision implicite de rejet avant que le juge de première instance ne statue, cette décision lie le contentieux.» [CE, 21 juin 2021, n°437744]
La demande indemnitaire préalable obligatoire obéissant à des règles juridiques spécifiques il est vivement conseillé d’être accompagné lors de sa rédaction afin d’éviter les écueils pouvant conduire à l’irrecevabilité de votre demande tendant à obtenir l'indemnisation complémentaire de vos préjudices suite à la survenance d’un accident de service ou d’une maladie professionnelle.
Le contenu de la demande indemnitaire préalable obligatoire
La demande indemnitaire préalable obligatoire doit être idéalement motivée en précisant le fondement juridique sur lequel repose la créance et doit préciser la nature des préjudices dont il est sollicité réparation suite à la survenance d’un accident de service ou d’une maladie professionnelle.
Cependant, l’agent titulaire de la fonction publique peut demander devant le Tribunal Administratif l’indemnisation de chef de préjudice qui n'était pas mentionné dans sa demande indemnitaire préalable obligatoire. [CE, 19 février 2021, n°439366]
En revanche, la saisine du juge cristallise la liste des préjudices indemnisables.
Toute demande d’indemnisation portant des préjudices non évoqués dans la saisine du juge et postérieure à celle-ci est irrecevable.
Il n'est fait exception à ce principe que dans le cas où l’agent demande réparation de dommages qui, tout en étant causés par le même fait générateur, sont nés, ou se sont aggravés, ou ont été révélés dans toute leur ampleur postérieurement à la décision administrative ayant rejeté sa réclamation.
Concernant l’évaluation des préjudices, la demande indemnitaire préalable obligatoire ne peut pas toujours être précisément chiffrée dans la mesure où l'agent n’a pas connaissance de l’ampleur de ses préjudices, résultant de la survenance d’un accident de service ou d’une maladie professionnelle, au moment de sa rédaction.
Le Conseil d’État est venu préciser qu'un requérant peut se borner à demander à l'administration réparation d'un préjudice qu'il estime avoir subi pour ne chiffrer ses prétentions que devant le juge administratif. [CE, 30 juillet 2003, n°244618]
Toutefois, l’évaluation des préjudices au stade de la saisine du Tribunal Administratif compétent doivent être chiffrée ou bien être chiffrée après avoir expertise préalable. [CE, 21 février 1996, n°121766]
Si la demande indemnitaire préalable obligatoire est chiffrée, le montant de l’indemnisation sollicité devant le Tribunal Administratif peut être supérieur à celui sollicité dans le cadre de celle-ci.
Seul le montant en procédure d’appel est limité à celui sollicité en 1re instance. [CE, 31 mai 2007, n°278905]
Le traitement de la demande indemnitaire préalable par l’Administration
En l’absence de réponse dans un délai de 2 mois, la demande indemnitaire préalable est réputée avoir été rejetée compte tenu du silence gardé par l’Administration.
L’article L.231-1 du Code des relations entre le public et l’administration prévoyant que le silence gardé pendant deux mois par l’administration sur une demande vaut décision d’acceptation n’a pas vocation à s’appliquer à cette procédure.
En effet, étant agent titulaire de la fonction publique, le Code des relations entre le public et l’Administration n’a pas vocation à s’appliquer à cette situation.
L’article R.421-2 du Code de justice Administrative prévoit que le fonctionnaire dispose d’un délai de 2 mois pour saisir le Tribunal Administratif compétent d’un recours de plein contentieux suite à la naissance d'une décision implicite de rejet.
Ce délai court à compter du jour où est née la décision implicite de rejet peu importe que l’Administration ait accusé ou non-réception de la demande. [CE, 3 décembre 2018, n° 417292]
En effet, l’article R.112-11-1 du Code des relations entre le public et l’administration prévoyant schématiquement que le délai de 2 mois pour saisir le Tribunal n’est opposable au demandeur que si l’Administration a accusé réception de sa demande et a mentionné les voies et délai de recours en l’absence de réponse dans un délai de 2 mois n’a pas vocation à s’appliquer à cette procédure.
Étant agent titulaire de la fonction publique, le Code des relations entre le public et l’Administration n’a pas vocation à s’appliquer à votre situation.
Le délai pour former sa demande indemnitaire préalable
En application de l’article 1 de la loi n°68-1250 du 31 décembre 1698, l’action en responsabilité de l’Administration suite à la survenance d’un accident de service ou d’une maladie professionnelle obéit aux règles de la prescription quadriennale.
Le principe de la prescription quadriennale prévoit que :
« Sont prescrites, au profit de l'État, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public »
La prescription quadriennale court donc à compter du 1er janvier de l’année suivante celle durant laquelle les droits ont été acquis. [CE, 28 septembre 2020, n°423986]
De plus, le délai de prescription ne court à compter ni de la survenance de l’accident de service ni à compter de la notification de la décision d’imputabilité, mais à compter de la date de consolidation:
"S’agissant d’une créance indemnitaire détenue sur une collectivité publique au titre d’un dommage corporel engageant sa responsabilité, le point de départ du délai de prescription prévu par ces dispositions est le premier jour de l’année suivant celle au cours de laquelle les infirmités liées à ce dommage ont été consolidées. Il en est ainsi pour tous les postes de préjudice, aussi bien temporaires que permanents, qu’ils soient demeurés à la charge de la victime ou aient été réparés par un tiers, tel qu’un organisme de sécurité sociale, qui se trouve subrogé dans les droits de la victime." [CE, 20 nov. 2020, n° 434018; CE, 1er juin 2011, n° 331225; CE, 26 sept. 2008, n° 272690].
Le point de départ du délai de prescription est donc fixé au 1er janvier de l’année suivant la consolidation.
Ainsi, pour un accident de service consolidé le 28 juin 2019 le point de départ du délai de prescription est donc fixé au 1er janvier 2020 et courra jusqu’au 31 décembre 2023.
Le fonctionnaire dispose donc d’un délai expirant le 31 décembre 2023 pour effectuer sa demande indemnitaire préalable obligatoire.
Avocat en droit de la Fonction Publique, Maître Baptiste RENOULT a fait de ce type d’affaires son domaine de prédilection.
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